Dépêche du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité
Regina Ouattara, ancien Point Focal Régional de GENSAC pour l’Afrique Francophone

L’article a été écrit par Regina Ouattara (Burkina Faso), ancien Point Focal Régional de GENSAC pour l’Afrique Francophone. Le voyage et la participation pour le forum de Dakar ont été financés par GENSAC. Les vues et opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur.
La huitième édition du Forum International de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique s’est tenu les 24 et 25 octobre 2022 avec pour thème : « L’Afrique à l’épreuve des chocs exogènes : défis de stabilité et de souveraineté ». Ce rendez-vous annuel d’échanges et de réflexion sur la paix et a sécurité en Afrique a regroupé des chefs d’État et de gouvernement, des représentants d’institutions interafricaines et internationales, des ONGs, des Organisations de la Société Civile, des chercheurs et du secteur privé. Cette édition placée sous la présidence de son Excellence Macky SALL, Président de la République du Sénégal a mis à l’honneur l’Afrique lusophone la participation entre autres personnalités, le président angolais Joao Lourenço et de son homologue cap-verdien José Maria Neves. La France, principal partenaire de l’événement avec le Japon, est représentée par la secrétaire d’État chargée du Développement et de la Francophonie Chrysoula Zacharopoulou. Parmi les ministres des Affaires étrangères annoncés figurent ceux du Mali, de la Guinée ou encore de la Turquie.
Défis de stabilité et dynamique de paix : regarder en face les réalités de l’Afrique
C’est dans un contexte de l’expansion de la menace terroriste, de la recrudescence des coups d’État répétés en Afrique de l’Ouest, de l’ingérence politico-militaire étrangère, des effets combinés du changement climatique et de la COVID-19, ainsi que de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, que le Forum de Dakar s’est tenu en offrant aux participants l’opportunité de regarder les réalités du continent en face et de réfléchir aux réponses idoines et urgentes.
Parmi les sujets abordés, se trouvent en bonne place la réforme du secteur de la sécurité ainsi que la coopération militaire entre l’Afrique et ses partenaires.
« Pourquoi aller toujours chercher des solutions à l’extérieur ? ».
Dès l’ouverture du forum, une série de panels de haut niveau animée par diverses personnalités a permis de situer clairement les responsabilités des pays africains, notamment l’incapacité de certains États d’assumer la protection de leurs populations et de créer de conditions minimales de paix et de stabilité pour un développement inclusif et durable. Cependant, il est ressorti également des échanges que le multilatéralisme, avec ses erreurs congénitales, ne permet pas au continent africain de jouir de toutes ses capacités ni de renforcer lesdites capacités afin de pouvoir faire face aux chocs autant endogènes qu’exogènes.
Si, lors des premières éditions du forum, les participants africains réclamaient un engagement des partenaires internationaux sur le continent, à présent, les États africains affirment désormais leur volonté d’être à la manœuvre, d’autant plus que les opérations extérieures ont montré leurs limites pour la sécurisation du continent.
Les participants au forum demandent aux partenaires internationaux de se montrer solidaires en fournissant aux Etats africains un appui logistique et financier, car il revient aux États africains de trouver des solutions appropriées aux différents problèmes sur leur sol. C’est une approche qui marque un tournant, ou encore une évolution de doctrine sans pour autant rompre avec les partenaires techniques et financiers dont l’appui demeure très important dans le contexte actuel, où la menace terroriste gagne du terrain en Afrique de l’Ouest.
Il a été clairement dénoncé la non présence de l’Afrique, berceau de l’Humanité, dans les hautes instances de délibérations politiques et sécuritaires qui se combine à son absence insensée dans les instances de décisions économiques accentuant sa marginalisation.
Par ailleurs, il a été émis au cours des discussions, l’idée de repenser les relations internationales avec une Afrique épanouie qui profite pleinement de ses potentialités, la suggestion a été faite d’intégrer l’Afrique parmi les membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU, et cela se justifie bien dans la mesure où cette instance a été mise en place à l’issue de la deuxième guerre mondiale, soit quinze (15) ans avant l’indépendance des pays africains, au moment où ceux-ci étaient associés aux puissances coloniales. La difficulté majeure en actuellement est qu’il faudrait que les États africains puissent s’accorder sur le choix d’un représentant car en réalité, des rivalités persistent entre les plus grandes puissances du continent telles que l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Égypte et l’Algérie.
Certaines questions ou doléances n’ont pu avoir des réponses satisfaisantes à cette huitième édition du forum de Dakar. Par exemple, le Président Sénégalais Macky Sall a saisi la tribune du forum pour relancer le plaidoyer pour une réforme de la gouvernance mondiale afin d’y associer l’Afrique et assurer une “mise à jour” de la doctrine des opérations de maintien de la paix “intégrant pleinement la lutte contre le terrorisme”. Il s’agit là du renouvellement d’une ancienne sollicitation car de nombreux chefs d’États africains jugent la force de maintien de paix peu efficace et souhaiteraient que les casques bleus soient officiellement habilités à combattre les terroristes. Sur le terrain, l’efficacité de la force de maintien de la paix est certes limitée, surtout pour la protection des civils. Malheureusement, l’ONU n’est pas une armée de guerre. Les casques bleus ont pour rôle sur le terrain de favoriser la mise en place des accords de paix. Par conséquent, ils doivent afficher la neutralité et l’impartialité, ce qui est incompatible avec la lutte antiterroriste.
Consolider la souveraineté de l’Afrique
Durant les deux jours des travaux du forum, des plénières ont été couplés d’ateliers portant sur des thèmes diversifiés et orientant la réflexion sur le renforcement de la souveraineté des Etats.
Suite à une séance plénière sur les crises globales et de souverainetés en Afrique, les discussions se sont poursuivies dans divers atelier portant sur :
- Coopération entre l’Afrique et ses partenaires dans les domaines de la défense et de la sécurité
- Place du secteur privé dans la construction de nouvelles souveraineté en Afrique (énergétique, alimentaire, numérique, etc.)
- Jeunesse, citoyenneté et souveraineté : les défis de l’éducation et de la formation
Le forum a saisi, une nouvelle fois, l’occasion qu’offre, de manière exceptionnelle avec la présence des pays comme la France, le Japon, l’Arabie Saoudite, etc., pour lancer un vibrant appel à mieux impliquer l’Afrique qui doit prendre toute sa place pour le renforcement de la démocratie, de la souveraineté et du progrès.
« Si le continent est devenu, aujourd’hui, un des épicentres du terrorisme, c’est bien, parce que le fléau est alimenté par la criminalité transfrontalière, la prolifération illégale des armes, les flux financiers et trafics illicites de tout genre et la participation de combattants étrangers ».
L’un des points forts des discussions du forum a été les dérives du numérique qui constituent aujourd’hui une des menaces les plus sérieuses à la paix, à la sécurité à la stabilité et à la souveraineté des pays africains, menaces d’autant plus difficiles à combattre qu’elles sont diffuses et protéiformes. Ainsi, la cybercriminalité classique s’ajoute à la frénésie quotidienne des réseaux sociaux devenus une fabrique massive de fake news et de manipulation. Les participants ont eu alors l’opportunité de discuter de l’urgence à renforcer les moyens de lutte contre la cybercriminalité.
La huitième édition du forum international pour la paix et la sécurité a tenu ses promesses à l’instar des éditions précédentes. Ce rendez-vous annuel est un véritable incubateur de projets de transformation sociale sur la base de dialogue ouvert. La mémoire collective se souvient encore que l’Ecole de cyber sécurité de Dakar à vocation régionale est le produit d’une édition précédente du forum international de Dakar. Il convient que les africains maintiennent la flamme de cette rencontre annuelle